Pensions 2ème pilier: les indépendants seront enfin éligibles
La réforme sur les régimes complémentaires de pension attendue avec impatience depuis des années est désormais sur les rails. Les pensions complémentaires des entreprises ont parcouru un peu de chemin depuis la loi de 1999. Si à l'époque il y avait 400 entreprises qui disposaient de pensions 2ème pilier pour leurs collaborateurs, ce chiffre est monté à 2'600 depuis lors. Même si la progression est impressionante, il reste que – avec 32'000 repertoriées par le Statec, SOPARFI exclues – le taux de pénétration n’atteint même pas 10 %. L’une des raisons expliquant ce succès mitigé est sans doute le niveau extrêmement élevé des pensions légales.
Le projet contient un certain nombre de réformes dont nous voudrions en relever cinq :
1) Extension du champ d'application
Le point le plus important de la loi est l'extension du champ d'application de la loi aux indépendants. La loi de 1999 avait été réservée exclusivement aux salariés. L'éponge est donc passée sur une injustice du passé. Le Statec a répertorié quelque 10'000 indépendants mais leur nombre devrait être plus élevé si l’on tient compte des indépendants qui se sont organisés sous forme sociétaire. Les indépendants ne seront toutefois pas éligibles pour les cotisations personnelles, comme le sont les salariés. Une discrimination partielle va donc subsister. Aussi faudrait-il prévoir un dispositif qui permette aux indépendants un corridor de financement. Avec des revenus et des dépenses volatiles, les indépendants ne sont que difficilement à même de contribuer chaque année le même montant. Une certaine flexibilité devra donc être mise en place à ce niveau.
2) Bridage fiscal des cotisations
Dans le passé, les cotisations pour un affilié individuel pouvaient atteindre jusqu'à 20 % de sa rémunération annuelle ordinaire (en gros, sa rémunération fixe). Le principe de la limitation des 20 % est maintenu dans le projet de loi mais une deuxième limite vient se greffer sur l’existante: un plafonnement à 20 % du plafond cotisable (+/- 24'000 EUR par an). L'entreprise (ou l'indépendant) pourra certes cotiser davantage mais la partie qui dépasse le montant indiqué ne sera plus fiscalement déductible.
On peut encore souligner une imprécision dans le libellé du texte: est-ce que la limitation joue par rapport à l'assiette ou par rapport à la cotisation ? A supposer qu'on verse 10 % pour une personne qui gagne 150'000 EUR, on arriverait à une prime de 15'000 EUR, montant qui reste en-dessous des 24'000. Or le texte semble indiquer que le bridage s'opère non pas sur la cotisation mais sur l'assiette; on ne peut pas retenir une assiette plus élevée que le plafond cotisable (+/- 120'000 EUR). Dans notre exemple il faudrait donc relever le taux de cotisation à 12,5 % pour arriver à la cotisation de 15'000 EUR.
Cette limitation fiscale est regrettable. Les pensions complémentaires auraient pu être une belle porte de sortie pour les autorités pour accompagner et encourager la venue à Luxembourg d'experts de haut niveau. Contrairement aux "stock-option plans" évoluent dans un cadre transparent et réglementé. Le sentiment et le souci d’équité en termes de sécurité sociale semble prévaloir par rapport aux incitants pour attirer à Luxembourg des secteurs économiques prometteurs et leurs dirigeants et experts.
La limitation aux 24'000 EUR s'appliquera à tous les concernés, donc également à ceux qui ont bénéficié de dotations plus élevées dans le passé. Ceci conduit d’ailleurs à des situations complexes : le même législateur qui a l’intention de freiner la déductibilité fiscale des dotations, ne permet pourtant pas aux entreprises de revenir aux engagements accordés dans le passé. En effet la loi ne permet des redressements en défaveur des affiliés que dans des cas extrèmes où l'entreprise de l'employeur est au bord de la faillite.
3) Abrogation de la possibilité de rachats de droits de pension.
La loi actuelle prévoit un paiement anticipatif des droits de pension dans 3 scénarios distincts: départ de l'affilié de l'entreprise après l'âge de 50 ans, départ à l'étranger ou départ avec accumulation de droits acquis minima. Les autorités soulignent que cette disposition avait été abusée avec une mobilité croissante dans le marché du travail. Des soucis au niveau de la constitutionalité de la disposition se posent aussi (discrimination selon l'âge). Il faut reconnaître que les arguments des auteurs sont pertinents. En revanche, l'abrogation de la possibilité de rachat augmentera le risque d'une double taxation pour des travailleurs migrants. Ainsi, les cotisations pour des régimes de pensions, déjà soumises à une taxation à l'entrée forfaitaire de 20 %, pourraient se voir taxer une deuxième fois au moment où la prestation sera payée. Seuls les résidents belges et allemands vont échapper à ce sort, les traités de non double imposition avec ces deux pays ayant été amendés en ce sens.
4) Discrimination fiscale régimes internes abolie
Dans le passé les régimes internes (c. à d. financés dans le bilan de l’entreprise) étaient fiscalement discriminés : les dotations en intérêts (financiers et de mortalité) subissaient de plein fouet la taxation à l’entrée de 20 %. Les revenus d’intérêts dans les véhicules externes (assurance-groupe et fonds de pension) échappaient à cette taxation à l’entrée. Le projet de loi entend supprimer cette discrimination ce qu’il faut évidemment saluer.
5) Changement des bases techniques
Le législateur entend encore modifier les bases techniques de calcul. Ceci concerne avant tout les plans en prestations définies. Il faut s’attendre à la mise en place de tables de longévité plus conservatrices et également des taux d’actualisation réduits. Ceci rendra plus cher le financement de plans en prestations définies.
Il faudra maintenant observer de près le processus législatif pour voir si le texte sera adopté dans sa forme actuelle.